La désorganisation du système de santé liée à la crise va se traduire par une surmortalité par cancer dans les prochaines années.

Retards de diagnostic, déprogrammation d’interventions, poids psychologique de l’isolement, ruptures dans le parcours de soins… Dans le domaine du cancer, les conséquences de l’épidémie de Covid-19 s’annoncent dramatiques.  Au fil des trois vagues épidémiques, depuis mars 2020, les établissements hospitaliers ont dû brutalement réaffecter des lits pour les patients atteints de formes graves du virus. La fermeture des cabinets médicaux, entre mars et mai 2020, a forcé de nombreux patients à rester cloîtrés chez eux, sans la possibilité ou l’envie de consulter leur médecin, même par le biais de la télémédecine.

Selon la Ligue contre le cancer, 23 % des diagnostics que l’on attendait en 2020 n’ont jamais eu lieu.

Des renouvellements ou des changements de traitement n’ont pas pu s’effectuer dans des délais souhaitables avec, pour de nombreux patients, de réelles pertes de chance en termes de morbi-mortalité. L’impact psychologique d’une vie enfermée chez soi n’est pas à négliger, quand on sait à quel point le soutien des proches et l’accompagnement par des professionnels sont des éléments clés dans le parcours de soins des malades. Enfin, la désorganisation des dispositifs de dépistage augmentera mathématiquement l’incidence du cancer, en retardant la pose du diagnostic et la mise en place de traitements précoces.

Selon la Ligue contre le cancer, 23 % des diagnostics que l’on attendait en 2020 n’ont jamais eu lieu. Et près de 100 000 retards de diagnostic, de trois mois en moyenne, s’accumulent depuis les débuts de l’épidémie. Jouant pleinement son rôle de lanceur d’alerte, l’association partage les estimations établies par les experts : près de 13 500 personnes seront concernées, dans les trois à cinq ans, par un retard de traitement. Côté mortalité, on évalue à 10 000 les cas de décès de malades qui n’auraient pas dû avoir lieu en l’absence d’épidémie. Une surmortalité imputable en partie aux patients infectés par le virus, mais surtout aux difficultés de soins.

Que faire ?

La Ligue contre le cancer appelle à mieux organiser les filières de soins dans les régions et à envisager la création de centres de soins isolés, destinés aux personnes atteintes de maladies graves, dont le cancer. Elle s’est également mobilisée, en novembre dernier, pour demander que les proches de malades puissent bénéficier du chômage partiel. Au-delà de l’épidémie, les associations de patients misent par ailleurs sur la nouvelle dynamique impulsée par la Stratégie décennale pour accélérer les diagnostics et mieux structurer les prises en charge des patients.

Stéphane Corenc

Article extrait du dossier Grand Angle spécial oncologie réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde daté du 5 juin 2021.

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