Trop souvent négligées, les entorses à répétition de la cheville peuvent déboucher sur une instabilité chronique plus complexe à traiter pour le patient.

Un faux pas, un accident de terrain, un escalier descendu trop vite, des talons trop hauts… La torsion de la cheville est un traumatisme du quotidien très fréquent, notamment avec la vogue du running et des sports urbains. « La cheville est une zone très sollicitée lorsqu’on est en mouvement, explique le Dr Johannes Barth, président de la Société francophone d’artroscopie. Une torsion de la cheville ne doit pas être prise à la légère, car elle peut être le signe d’une entorse. » L’entorse désigne l’étirement ou le déchirement d’un ligament, ce « câble » unissant deux pièces osseuses afin de les stabiliser. Dans le cas de la cheville, on compte un ligament externe constitué de trois faisceaux et un ligament interne. « Le plus souvent, l’entorse concerne l’un des faisceaux du ligament externe. Le pied part brutalement vers le bas et en dedans, provoquant une lésion. Elle est en général bénigne, avec un simple étirement du ligament. Mais elle peut également être modérée, lorsque l’étirement est important, qu’il touche plusieurs faisceaux ou lorsque se produit un début de déchirement. Et on parle d’entorse grave en cas de rupture du ligament », détaille le chirurgien.

Quel que soit le stade de l’entorse, il est préférable de consulter un médecin : la douleur n’est en effet pas caractéristique de son intensité. « Trop de personnes négligent de le faire, déplore Johannes Barth. On estime que moins d’un patient sur deux va voir son médecin, alors qu’on dénombre plus de 6 500 entorses de la cheville chaque jour en France. Et encore, il ne s’agit que d’une estimation, sans doute éloignée de la réalité. » Quand faut-il consulter ? Un craquement, une douleur aiguë, un œdème immédiat, l’impossibilité d’enchaîner quatre pas de suite… l’accumulation de ces symptômes peut être caractéristique d’une entorse moyenne à grave.« L’examen médical permet d’abord d’écarter l’éventualité d’une fracture. Ensuite, le médecin appliquera un protocole visant quatre objectifs  : repos de la cheville, glaçage, compression, élévation  », indique le Dr Johannes Barth.

« Il est très important que le patient respecte le traitement, qui dure en moyenne de trois à six semaines, ajoute-t-il. Il faut laisser s’opérer le temps de la cicatrisation. » A défaut, le risque de récidive est élevé, avec une probabilité forte d’évoluer vers une instabilité chronique de la cheville. Le patient a alors le sentiment que sa cheville se dérobe, qu’elle « lâche » et qu’il ne peut plus la contrôler. «  Il faut alors initier un traitement médical, à base de séances de kinésithérapie, de port de semelles correctrices et de prise d’antalgiques, précise le Dr Johannes Barth. En cas de persistance des symptômes, il peut être nécessaire d’envisager une intervention chirurgicale, visant à réparer ou reconstruire le ligament. » Une opération qui s’effectue de plus en plus souvent à partir d’une technique mini-invasive, l’arthroscopie : grâce à de micro-caméras, le chirurgien conduit de mini-instruments chirurgicaux jusqu’à la zone de lésion, cette chirurgie pouvant être réalisée en ambulatoire avec une anesthésie loco-régionale.

Stéphane Corenc

La Société Francophone d’Arthroscopie (SFA) est une société savante, qui diffuse l’usage et l’enseignement de l’arthroscopie. Elle est organisée par comités spécialisés pour chaque articulation. Les travaux scientifiques du comité cheville ont rapporté un taux important de séquelles après entorses de cheville, souvent dénommées à tort « bénigne  ». Cela a poussé la SFA, représentée par son président, à soulever cette question auprès du grand public. La SFA, une société savante ouverte et active. Son comité cheville s’est fortement associé aux travaux des autres sociétés savantes de la cheville : l’Association Française de la Chirurgie du Pied (AFCP) et la Société Française de Traumatologie du Sport (SFTS) sur le plan national, et l’European Foot and Ankle Society (EFAS) sur le plan international. Toutes ces sociétés savantes s’unissent ici pour promouvoir une meilleure prise en charge des entorses de cheville.

Article extrait du dossier Grand Angle – Spécial Cheville, réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde du 10 décembre 2020