De nouvelles thérapies se multiplient pour permettre un meilleur contrôle de cette maladie rare génétique. Avec, à la clé, la question de l’accès des patients à l’innovation.

Maladie génétique rare récessive, l’hémophilie se caractérise par un risque de saignements spontanés ou traumatiques, provoqués par un déficit en facteurs de coagulation du sang. On distingue l’hémophilie A (85 % des cas), liée au déficit du facteur VIII, et l’hémophilie B (déficit en facteur IX). Trois degrés de sévérité sont retrouvés : les formes sévères, modérées et mineures, respectivement présentes chez 30  %, 10  % et 60  % des patients.

Sans traitement, l’une des complications majeures de l’hémophilie sévère ou modérée est la survenue répétée d’hémarthroses. Il s’agit d’épanchements de sang dans les articulations, à l’origine de douleurs, de gonflements et, à terme, d’arthropathie hémophilique avec des déformations articulaires et des pertes de mobilité. En vingt ans, la prévention des saignements par injections intraveineuses répétées du facteur de coagulation manquant a profondément évolué. « Des avancées thérapeutiques majeures ont été réalisées ces dernières années, témoigne le Dr Roseline d’Oiron, médecin hématologue à l’hôpital Bicêtre (Val-de-Marne). Des traitements à plus longue durée d’action et plus simples à administrer, notamment par voie sous-cutanée, ont permis d’améliorer le contrôle de la maladie, d’espacer les injections et d’alléger le quotidien des patients.  » D’autres pistes se profilent, avec l’arrivée prochaine de médicaments d’ultra-longue durée et pour certains patients de la thérapie génique, qui vont modifier en profondeur leur vie quotidienne. « Ces innovations thérapeutiques permettront de transformer l’hémophilie sévère en une forme proche d’une hémophilie mineure, ou même parfois de tendre vers une coagulation normale. En parallèle, elles feront aussi évoluer l’organisation du suivi des patients pour bien en mesurer la tolérance et l’efficacité à court et long termes. »

Convaincre les femmes de l’intérêt d’un dépistage

Le Dr d’Oiron évoque un autre enjeu pour l’avenir : la santé des femmes hémophiles. « Contrairement aux idées reçues, les femmes peuvent aussi être atteintes, avec un symptôme évocateur mais détecté avec retard : les règles abondantes. » On estime que, dans les familles concernées, il y aurait en moyenne une femme atteinte pour deux hommes avec hémophilie. « Il faut renforcer les enquêtes familiales lorsqu’un cas est détecté et mieux convaincre les femmes de l’intérêt d’un dépistage. »

Stéphane Corenc


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Hémophilie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 18 avril 2023.

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