En 2021, le Pr Antoine Tesnière a pris la direction de PariSanté Campus, un organisme destiné à structurer l’écosystème de l’e-santé.
Quelles sont les ambitions de PariSanté Campus ?
C’est une initiative unique au monde, portée depuis ses débuts par la présidence de la République, et qui vise à accompagner au mieux l’essor de la santé numérique. L’idée de PariSanté Campus est de rassembler dans un même lieu tous ses acteurs. Dans d’autres secteurs, comme la musique, les transports ou le courrier, les services dématérialisés ont totalement transformé les usages, les modèles économiques et les environnements réglementaires. Dans le champ de la santé, la même révolution se profile, de nature à bouleverser l’ensemble des pratiques professionnelles et citoyennes. De la simple prise de rendez-vous au diagnostic personnalisé de maladies complexes, en passant par l’accélération de la recherche, les progrès offerts par le numérique s’annoncent considérables. Il faut, cependant tenir compte d’une spécificité : la santé est un bien essentiel, nécessairement régulé par l’Etat. Elle produit des données par essence sensibles en termes de protection des citoyens. Leur usage doit également servir l’intérêt général, renforcer l’efficience du système de soins, générer de l’innovation utile pour le plus grand nombre, soutenir la croissance d’un secteur susceptible de créer de l’emploi. Ces enjeux sont au cœur du programme PariSanté Campus, à travers ses quatre axes stratégiques : stimuler la production et l’exploitation de données de qualité, soutenir la formation d’excellence autour de l’e-santé et la création de viviers d’expertises, développer des applications à fort impact économique, améliorer les stratégies de prise en charge médicales au service des patients et des citoyens.
De la simple prise de rendez-vous au diagnostic personnalisé de maladies complexes, en passant par l’accélération de la recherche, les progrès offerts par le numérique s’annoncent considérables. Il faut, cependant tenir compte d’une spécificité : la santé est un bien essentiel, nécessairement régulé par l’Etat.
L’innovation naît le plus souvent de l’interface des disciplines et des savoir-faire. Quel fonctionnement allez-vous mettre en place pour favoriser cette hybridation ?
En effet, l’interdisciplinarité et plus encore ce qu’on appelle la « fertilisation croisée » sont les principaux vecteurs du progrès médical et technologique. PariSanté Campus a vocation à créer des espaces de travail collaboratifs, où ingénieurs, data scientists, chercheurs, étudiants, professionnels de santé, payeurs publics et privés, représentants des patients, industriels et entrepreneurs pourront concevoir ensemble les solutions numériques du futur. Le but est de créer, bien sûr, mais également d’inventer les métiers de demain qui permettront de faire vivre ces innovations. Une solution numérique en santé n’a pas d’intérêt en soi si elle ne répond pas à des besoins effectifs pour les citoyens. Il faut pouvoir l’évaluer en continu, la faire évoluer en permanence, mesurer son impact en termes de bénéfice/risque et définir son modèle de valeur, notamment économique. Ces exigences imposent d’investir massivement dans la mise au point de nouvelles compétences, de process adaptés et d’indicateurs de performance partagés. L’écosystème de l’e-santé reste à construire… et nous entendons y jouer un rôle central.
Vous avez sélectionné 60 start-up pour votre première promotion. Comment comptez-vous les accompagner ?
L’accompagnement de jeunes sociétés fait partie de nos missions confiées par l’Etat. Ces entreprises ont été choisies sur la base de critères stratégiques : qualité et robustesse des projets, modèles de financement et d’affaires, stratégies de développement, équipes… Nous avons également défini des critères scientifiques, comme la pertinence de leur inclusion dans l’écosystème de PariSanté Campus, en lien avec les quatre instituts de recherche présents : intelligence artificielle, imagerie médicale, modélisation numérique et enjeux socio-économiques. Ces start-up, issues d’horizons divers (médicaments, dispositifs médicaux connectés, recherche clinique, données responsables, innovation organisationnelle, formation, IA…), bénéficieront d’un accompagnement « sur mesure » à tous les stades de leur développement. L’objectif est que PariSanté Campus contribue à l’émergence des futures « licornes » en santé en France.
Propos recueillis par Stéphane Corenc
Inauguré le 14 décembre dernier par le Premier ministre, Jean Castex, PariSanté Campus dispose de 15 000 mètres carrés près de la porte de Versailles, à Paris. L’ensemble s’implantera définitivement en 2028 au Val-de-Grâce, l’ancien hôpital d’instruction des armées, réhabilité pour l’occasion. Il est soutenu par cinq opérateurs publics : l’Inserm, l’Université PSL, Inria, le Health Data Hub et l’Agence du numérique en santé. Plusieurs instituts et laboratoires y sont accueillis : QBio (un centre de recherche dévolu à la médecine prédictive et à l’immunologie) ; l’institut PRAIRIE (intelligence artificielle) ; Physics for Medicine (imagerie médicale et physique), l’Institut Santé numérique en société (enjeux socio-économiques et philosophiques des données de santé), le laboratoire HeKA (intelligence artificielle) ou encore le Projet Ze[US], pour construire l’imageur médical le plus puissant au monde • S. C.
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Innovation en santé réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 23 avril 2022.
Photos : © Xavier Renauld- PariSanté Campus / DR