De nouvelles stratégies de prise en charge du cancer du poumon offrent l’espoir de mieux contrôler l’évolution de la maladie.

Pr Christos Chouaïd
Pr Christos Chouaïd

Avec près de 50 000 nouveaux cas par an et près de 35 000 décès, le cancer du poumon reste l’un des principaux défis en oncologie. Première cause de mortalité par cancer chez l’homme, il est aujourd’hui en deuxième position chez la femme, avec une forte augmentation ces dernières années, en raison de la progression du tabagisme. « Le tabac est à l’origine de près de 9 cancers du poumon sur 10, même si d’autres causes sont de plus en plus documentées, comme la pollution industrielle et automobile, ainsi que des facteurs génétiques que nous commençons à mieux connaître, indique le Pr Christos Chouaïd, pneumologue au CHI de Créteil. L’arrêt du tabac et surtout le fait de ne pas commencer à fumer restent les meilleurs moyens de ne pas s’exposer à ce risque de cancer. »

Les scientifiques distinguent deux grands types de cancers du poumon : le cancer du poumon non à petites cellules (CBNPC en anglais, 85 % des cas) et le cancer du poumon à petites cellules (CBPC, 15 % des cas). « L’une des grandes difficultés dans la prise en charge des patients est liée à l’absence de signes spécifiques pouvant faire évoquer ce cancer, ajoute le Professeur. Outre l’absence de signes évocateurs, le diagnostic est difficile. C’est pourquoi une majorité de patients sont pris en charge à un stade avancé. »

Aujourd’hui, le débat sur l’éventualité d’un dépistage systématique chez les sujets avec facteurs de risque, après 50 ans avec un tabagisme ancien ou actif, est posé. Et le nouveau Plan Cancer prévoit des expérimentations, avec un appel à projets de l’Institut national du Cancer (InCA) lancé d’ici à la fin de l’année.

Des progrès croissants

En dépit de ces difficultés, la prise en charge du cancer du poumon non à petites cellules bénéficie d’avancées thérapeutiques majeures. « Il y a d’abord eu les thérapies ciblées, qui permettent d’agir sur la tumeur à partir de l’analyse des anomalies moléculaires, explique le Pr Chouaïd. Et nous bénéficions ces dernières années des formidables avancées de l’immunothérapie, qui vise à réveiller le système immunitaire en l’incitant à combattre les cellules cancéreuses. » Aujourd’hui, les stratégies les plus prometteuses consistent à combiner les traitements, associant la chimiothérapie, l’immunothérapie, la chirurgie et la radiothérapie, avec des progrès spectaculaires en termes de résultats. « La médiane de survie, qui était de l’ordre de huit mois à un an avant l’immunothérapie, ne cesse d’augmenter, avec 20 à 25 % des patients toujours en vie après cinq ans », relève le pneumologue. Récemment, une nouvelle stratégie thérapeutique, combinant deux chimiothérapies et deux immunothérapies, offre de réels espoirs aux patients. « L’étude POSEIDON, qui vise à tester la combinaison de durvalumab et tremelimumab avec deux chimiothérapies, a démontré une amélioration notable de la survie globale et de la survie sans progression, sans augmentation significative de la toxicité  », précise le spécialiste.

L’apport du numérique

Outre ces avancées, l’innovation est également organisationnelle. « La combinaison des solutions de soins exige un travail d’équipe, associant les disciplines médicales autour du patient, observe le Professeur. C’est une véritable médecine de précision, au-delà des médicaments, qui se met en place, avec l’objectif de cibler précisément le site de la lésion, d’évaluer la probabilité de réponse du patient aux traitements délivrés et de trouver le bon séquençage entre les différentes interventions. » Autre progrès majeur, le recours aux technologies numériques permet de suivre le patient à distance et d’intervenir à temps en cas de difficultés. « Les dispositifs numériques améliorent le pronostic, réduisent le risque d’effets secondaires et favorisent la prise en charge en ambulatoire, conclut le Pr Chouaïd. Par ailleurs, l’accumulation des données offre l’espoir, demain, de pouvoir évaluer précisément les profils de patients répondant aux traitements grâce à la puissance d’analyse de l’intelligence artificielle. »

Jean-Christophe Labaume


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cancer du poumon réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er et 2 mai 2023.

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