Malgré ses bénéfices démontrés, le dépistage du cancer du sein a été remis en question dans certaines études à analyser avec précaution. Décryptage par le Dr Foucauld Chamming’s, radiologue au centre Bergonié à Bordeaux.
En quoi consiste le dépistage du cancer du sein ?
Le cancer du sein est plus fréquent entre 50 et 70 ans. Le bénéfice, notamment médico-économique, d’un dépistage collectif se situe donc autour de cette tranche d’âge. C’est pourquoi, en France, le dépistage organisé (DO) du cancer du sein est proposé aux femmes âgées de 50 à 74 ans, tous les deux ans. Chez les femmes plus jeunes et plus âgées, la maladie est moins fréquente mais existe bel et bien. Certains gynécologues proposent donc dès 40 ans un dépistage individuel (DI) à certaines de leurs patientes. Cette pratique est plus marquée en ville, particulièrement à Paris.
Quelles sont les différences entre dépistage organisé et individuel ?
Le DO est gratuit. Basé sur la mammographie, il bénéficie d’une double lecture, d’un contrôle qualité et d’une obligation de formation des radiologues. De son côté, le DI repose sur la prescription individuelle d’une mammographie. Il n’y a pas de deuxième lecture, mais il peut intégrer la tomosynthèse, une technique récente de mammographie en 3D qui peut améliorer la détection des cancers tout en réduisant le nombre de faux positifs.
En permettant de détecter des lésions de petites tailles, le dépistage offre la possibilité de traitements moins lourds, moins invasifs qui ont donc moins d’impacts sur la vie et le bien-être des femmes.
Quels sont les bénéfices du dépistage ?
Si les bénéfices du DI sont difficilement estimables, puisque les résultats ne sont pas centralisés, ceux du DO sont en revanche bien documentés. On sait que, chez les patientes de 50 à 74 ans ayant réalisé des mammographies régulières, une diminution de 20 à 40 % du taux de mortalité par cancer du sein a été observée. Une étude européenne récente a confirmé les bénéfices sur la mortalité, mais également sur la qualité de vie. En permettant de détecter des lésions de petites tailles, le dépistage offre la possibilité de traitements moins lourds, moins invasifs qui ont donc moins d’impacts sur la vie et le bien-être des femmes.
Qu’en est-il du potentiel surdiagnostic et du surtraitement ?
Il s’agit de la détection et de cancers du sein qui n’auraient pas ou peu évolué (surdiagnostic), et n’auraient donc pas nécessité de traitements (surtraitement). Mais dans l’état actuel des connaissances, il est impossible de déterminer quelle est la proportion de ces tumeurs et surtout de les identifier. Les études remettant en question les bénéfices du dépistage comportent un certain nombre de biais comme la comptabilisation du DO uniquement, sans intégrer le DI. Ces données sont donc à interpréter avec prudence. Ce d’autant plus qu’une étude récente menée au centre Bergonié a montré qu’un retard de diagnostic, dans le contexte de la première vague de Covid, avait un impact négatif sur la taille et l’extension ganglionnaires des tumeurs, deux paramètres pronostiques importants.
Comment pourrait évoluer le dépistage à l’avenir ?
Le dépistage pourrait évoluer vers un dispositif plus personnalisé. L’étude européenne randomisée MyPeBS vise à évaluer les bénéfices d’un dépistage dont la fréquence serait adaptée au risque individuel de cancer du sein de chaque femme. Elle est pilotée par l’institut Gustave Roussy. Malheureusement, quelles que soient les évolutions à venir, des patientes risquent d’être confrontées au déficit de l’offre de soins, déjà ressenti dans certaines régions.
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cancer du sein réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 7 octobre 2022.
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