Grossophobie : un combat pied à pied

Investie depuis vingt ans dans cette cause, Anne-Sophie Joly, présidente du CNAO, incarne la détermination des associations de patients engagées contre l’obésité.

Fondé en mars 2003, le Collectif national des associations d’obèses (CNAO) représente aujourd’hui 12 associations. « A l’origine, lorsque je l’ai créé, le but était de fédérer les associations autour d’un plaidoyer commun, afin d’interpeller la société et les décideurs sanitaires sur la prévalence croissante de l’obésité, explique sa présidente, Anne-Sophie Joly. Il y avait tout à faire pour inciter la communauté médicale à progresser dans la prise en charge des patients, sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité d’une politique ambitieuse de prévention et lutter contre la stigmatisation des personnes atteintes de surpoids et d’obésité. » Aujourd’hui, le CNAO est partie prenante de nombreuses instances de décision, comme le Conseil national de l’Alimentation, le Conseil paritaire de la Publicité et divers groupes de travail dans le champ de la santé. « Nous devons être partout, car la lutte contre l’obésité appelle à conduire des stratégies d’action transversales, bien au-delà du seul champ sanitaire », ajoute Anne-Sophie Joly. En 2024, le CNAO se mobilise pour porter l’une de ses principales revendications : obtenir la reconnaissance de l’obésité comme une maladie à part entière, avec une prise en charge à 100 % en tant qu’affection de longue durée. « C’est indispensable, car l’obésité pèse gravement sur la santé des patients, avec 18 pathologies associées, précise Anne-Sophie Joly. Il faut d’autant mieux rembourser la prise en charge des patients que la prévalence de l’obésité est plus élevée chez les personnes les moins favorisées, avec une part importante de renoncement aux soins. » Autre combat, le CNAO participe, depuis 2022, à la Coalition Obésité, qui milite pour que la lutte contre l’obésité devienne une grande cause nationale. « Il faut lancer un plan stratégique ambitieux, avec des moyens spécifiques et une instance indépendante, comme c’est le cas pour la lutte contre le cancer, estime Anne-Sophie Joly. Prévenir l’obésité, c’est assurer l’avenir de nos enfants. » A titre personnel, Anne-Sophie Joly s’engage également dans le combat contre la « grossophobie ». En collaboration avec le journaliste Richard Zarzavatdjian, elle vient de publier le livre Je n’ai pas choisi d’être gros.se*, qui mêle expérience personnelle et engagement militant. Un livre fort pour comprendre ce que vivent les personnes obèses : selon une enquête citée dans l’ouvrage, 55 % des médecins ont un comportement grossophobe. «  Il faut changer le regard de la société, car la stigmatisation est à l’origine de discriminations fréquentes pour les personnes obèses », affirme Anne-Sophie Joly.

Antoine Largier

* Je n’ai pas choisi d’être gros.se. Le livre manifeste pour en finir avec la discrimination, par Richard Zarzavatdjian et Anne-Sophie Joly. Ed. Solar.


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Obésité réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 5 mars 2024.

Photo : © CNAO / DR