
Selon le Pr Emmanuel Cosson, Chef du service Endocrinologie-Diabétologie-Nutrition et du SMR Nutrition-Obésité des hôpitaux Avicenne, Jean-Verdier et René-Muret (AP-HP hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis), on doit dépasser la problématique du poids dans la prise en charge des patients en situation d’obésité.
L’obésité isole le patient, elle le stigmatise. Comment l’aider à faire face à ces difficultés ?
Nous vivons en effet dans une société qui fait l’apologie de la minceur, voire de la maigreur. L’obsession du poids induit un rapport contrarié à l’alimentation, traduit par des injonctions sur la notion du « moins manger » et du « bien manger ». C’est en partie légitime sur le plan de la santé publique, mais elles provoquent, notamment chez les personnes en situation d’obésité, une souffrance quotidienne. Ces personnes subissent le regard critique des autres, qui continuent à croire que leur excès de poids est dû à un manque de volonté. C’est malheureusement également répandu chez une partie des professionnels de santé, qui amplifient les messages sur la nécessité impérieuse de perdre du poids. Cela peut renforcer la pratique de régimes restrictifs, qui sont souvent à l’origine d’une prise de poids et de troubles des conduites alimentaires (TCA). Les TCA peuvent également être secondaires à des traumatismes dans l’enfance ou l’adolescence. Ils peuvent être un moyen de défense pour déporter une douleur psychique. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’obésité est une maladie à part entière, aux causes multifactorielles.
L’obésité peut être à l’origine de nombreuses pathologies chroniques et nécessite une approche holistique du patient, mobilisant tout un collectif de spécialités et de soignants.
Pr Emmanuel Cosson
La définition de l’obésité a récemment évolué. En quoi cela modifie-t-il les prises en charge ?
L’obésité est désormais définie comme une pathologie liée à un excès de tissu adipeux viscéral. Cela permet d’évoluer dans la prise en soins, en relativisant l’importance de l’indice de masse corporelle (IMC). Chez certains sportifs, l’IMC peut être supérieur à 30 kg/m², sans conséquence sur le plan de la santé. A l’inverse, des personnes avec un IMC inférieur à 30 peuvent souffrir d’un excès de tissu adipeux. Concrètement, cela veut dire que la perte de poids n’est plus l’objectif prioritaire à viser. Il s’agit de se concentrer sur les changements de comportement. Aujourd’hui, notre travail avec le patient est de le réconcilier dans son rapport à l’alimentation et sa gestion émotionnelle sans focaliser sur le poids. Au final, cela participera à protéger l’ensemble des organes exposés aux conséquences de cette obésité, à savoir le cœur, les reins, le foie…
Face au nombre de patients à traiter, les moyens sont-ils suffisants pour optimiser les parcours de soins ?
L’obésité, parce qu’elle est multifactorielle et qu’elle peut être à l’origine de nombreuses pathologies chroniques, nécessite une approche holistique du patient, mobilisant tout un collectif de spécialités et de soignants. C’est évidemment une difficulté majeure. Il faut cependant se féliciter de la gradation en trois niveaux du parcours de soins. L’expertise des centres spécialisés de l’obésité (nous faisons partie du CSO Ile-de-France Nord) est à souligner, même s’ils doivent se concentrer sur les cas les plus complexes. Ainsi, il faut renforcer la coordination par le médecin généraliste et le partage des bonnes pratiques avec les professionnels de santé tels que le cardiologue, néphrologue, chirurgien bariatrique, rhumatologue, gynécologue, hépatologue… La diététique, l’activité physique adaptée, la psychologie ou encore la kinésithérapie sont indispensables dans le parcours de soins.
La journée mondiale de l’obésité vient de se tenir. Si vous deviez mettre en avant une priorité ?
Plusieurs priorités ! Agir en prévention primaire, avec une alimentation plaisir… et en pleine conscience dans un monde agroalimentaire responsable et collaboratif (vive le Nutri-Score !). Permettre le remboursement des soins et l’aménagement des lieux publics comme on le fait dans le handicap. Enfin et encore, lutter avec force contre les représentations négatives du surpoids et de l’obésité dans la société. La fresque de l’obésité est par ailleurs une initiative intéressante pour changer le regard sur la maladie.
Pierre Mongis
Un shooting photo au service de l’image de soi
A l’initiative du GHU AP-HP Paris Seine-Saint-Denis, grâce au partenariat patients et à l’implication du SMR Nutrition-Obésité (dont la responsable médicale est le Dr Julie Molleville), un nouveau programme de revalorisation de l’image et de l’estime de soi a vu le jour au bout de deux ans de travail. Il a proposé à huit patients un shooting photo au terme de leur hospitalisation, après un travail complet sur l’image, l’identification et la gestion des émotions, la mise en valeur et le bien-être. Cela a donné lieu à une exposition inaugurée à l’hôpital René-Muret fin janvier.
FR25NNG00015 – Février 2025 Information communiquée par Novo Nordisk.
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Obésité réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 5 mars 2025.