Cancer du poumon : vers une surveillance optimale de la maladie

Directeur médical Oncologie et Hématologie chez AstraZeneca France, le Dr Nicolas Ozan fait le point sur la prise en charge médicale du cancer du poumon, marquée par des avancées continues en termes de gains d’espérance de vie.

Qu’est-ce qui caractérise le cancer du poumon non à petites cellules, la forme la plus fréquente et pour lequel les avancées thérapeutiques sont majeures ?

Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) est en effet la forme la plus fréquente du cancer du poumon. Il atteint les cellules des bronches ou, plus rarement, les cellules qui tapissent les alvéoles pulmonaires et se développe à partir d’une cellule initialement normale qui se transforme et se multiplie de façon anarchique, jusqu’à former une masse appelée tumeur maligne. A défaut de symptômes spécifiques, il est le plus souvent découvert à un stade avancé, dit métastatique, ce qui malheureusement en fait un cancer de mauvais pronostic. En vingt ans, des progrès majeurs ont pu être obtenus, avec l’arrivée des thérapies ciblées et, plus récemment, de l’immunothérapie. La médiane de survie ne cesse d’augmenter, avec 20 à 25 % des patients toujours en vie après cinq ans.

Une fois le diagnostic posé, les premiers examens visent à analyser la tumeur, afin de vérifier si elle exprime ou non des mutations génétiques. Si c’est le cas, des thérapies ciblées peuvent être employées en fonction de ces mutations, avec des résultats qui n’ont cessé de s’améliorer au fil des années. La chimiothérapie, qui a pour but de détruire rapidement les cellules tumorales, reste par ailleurs un élément de l’arsenal thérapeutique. Enfin, l’arrivée, il y a presque dix ans, de l’immunothérapie a constitué une avancée considérable. Elle permet de restimuler le système immunitaire contre la tumeur. Il reste toutefois trop de patients pour lesquels les traitements actuels ne donnent pas assez de résultats.

Aujourd’hui, l’avenir est à la combinaison de ces solutions thérapeutiques. Quels sont les mécanismes d’action de ces traitements ?

Le système immunitaire est un ensemble complexe, qui constitue une barrière contre tout ce qui est reconnu comme étranger au corps lui-même. Les cellules tumorales sont parfois capables d’« évasion immunitaire », c’est-à-dire qu’elles ne se laissent pas reconnaître par le système immunitaire et échappent aux mécanismes de contrôle. Pour cette raison, des médicaments ont été mis au point, aptes à « tonifier » la réponse immunitaire anti-tumorale, à la fois en aidant les lymphocytes à reconnaître les cellules altérées et en renforçant la réponse immunitaire mise en place. L’un des mécanismes les plus étudiés, par lequel la cellule tumorale « éteint » le système immunitaire et échappe à la capture, consiste à exposer certaines protéines à sa surface, comme PD-L1 (littéralement, « ligand de mort programmée ») ; celle-ci se lie à la protéine PD-1 présente à la surface du lymphocyte T. Lorsque la liaison est créée entre PD-1 et PD-L1, la réponse immunitaire s’arrête. Le lymphocyte est « neutralisé », perdant la capacité d’attaquer la cellule tumorale et, même, dans certains cas, meurt. Le rôle des immunothérapies anti-PD1/anti-PDL1 est de se lier à PD1 ou PDL1, afin d’empêcher l’interaction de ces deux protéines et donc le blocage du système immunitaire au niveau de la cellule tumorale. Cela réveille la réaction des lymphocytes T contre la tumeur.

Une autre immunothérapie, l’anti-CTLA4, a été développée : il s’agit d’un anticorps monoclonal dirigé contre une autre protéine présente à la surface du lymphocyte T, le CTLA4. Le but est, là encore, de permettre au système immunitaire de s’activer, cette fois-ci à distance de l’environnement tumoral, dans le ganglion. Aujourd’hui, ces traitements peuvent être associés, car leur mécanisme d’action est complémentaire, et ils peuvent également être combinés avec des chimiothérapies, afin de multiplier l’arsenal employé contre les tumeurs.

De réels espoirs sont attendus dans cette nouvelle approche thérapeutique, en termes d’efficacité dans le CPNPC à un stade métastatique. L’objectif étant de répondre aux besoins non couverts de patients avec un moins bon pronostic et notamment les patients dont les cellules tumorales n’expriment pas PD-L1.

Quelles sont les prochaines étapes dans la lutte contre le cancer du poumon, et quelles sont les ambitions affichées par AstraZeneca ?

La lutte contre le cancer du poumon reste au cœur de notre stratégie en oncologie, avec l’ambition de parvenir à terme à un contrôle de la maladie. Comme pour tous les types de cancer, nous affichons l’espoir de parvenir un jour à la guérison pour de plus en plus de patients, avec comme objectif intermédiaire d’éliminer la mortalité directement liée au cancer. Pour y parvenir, nous investissons des moyens considérables en recherche et développement, principalement autour de six plateformes technologiques.

Ces modes d’action, qui peuvent être combinés pour attaquer le cancer sous différents angles, s’accompagnent d’innovations thérapeutiques, actuellement rapportées dans plus d’une centaine d’études cliniques en France.

Dans le cancer du poumon, nous explorons particulièrement les anticorps bispécifiques, permettant à partir d’un seul médicament d’avoir une action à la fois contre PD1 et CTLA4. Nous étudions également la piste des ADC, les anticorps médicaments conjugués, en collaboration avec Daiichi Sankyo, qui permettent de délivrer des molécules cyto-toxiques de façon très spécifique au niveau des cellules tumorales.

Enfin, nous mettons au point de nouvelles stratégies dans les stades plus précoces de la maladie, lorsqu’il est plus facile de modifier l’évolution du cancer, augmentant ainsi le potentiel de guérison.

Jean-Christophe Labaume


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cancer du poumon réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er et 2 mai 2023.

Photo © Yannick Stephant – AstraZeneca / DR