Depuis maintenant près de dix ans, une campagne nationale est lancée au mois d’octobre pour sensibiliser les femmes, notamment entre 50 et 74 ans, au dépistage du cancer du sein. Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, revient sur les enjeux de ce dépistage, mais aussi sur les progrès thérapeutiques importants réalisés.
Les cancers du sein sont toujours une des causes majeures de décès pour les femmes. Quels sont les moyens mis en oeuvre pour inciter à plus de prévention et de dépistage précoce ?
La prévention et le dépistage sont pour moi une priorité absolue. Vous savez, les cancers du sein sont les cancers les plus fréquents chez la femme. En 2012, près de 49 000 femmes ont eu un cancer du sein. On estime que 1 femme sur 8 y sera confrontée au cours de sa vie.
C’est un enjeu de santé publique majeur, sur lequel il faut rester mobilisé, ne pas relâcher l’attention, notamment pour toucher les femmes les plus éloignées du dépistage. Car n’oublions pas que le dépistage constitue l’une des armes les plus efficaces pour lutter contre ce cancer : détecté à un stade précoce, un cancer du sein peut être guéri dans 90 % des cas. Le programme de dépistage organisé mis en place depuis près de dix ans sur tout le territoire permet aux femmes de 50 à 74 ans de recevoir une invitation pour bénéficier d’une mammographie tous les deux ans, et cet examen est pris en charge à 100 %.
Pour cela, l’implication des médecins est essentielle. Le dépistage organisé du cancer du sein fait d’ailleurs partie des priorités de santé publique retenues dans le cadre de la convention médicale signée entre l’assurance maladie et les principaux syndicats représentatifs des médecins libéraux. Les médecins généralistes sont incités à améliorer le taux de participation au dépistage du cancer du sein des femmes qu’ils suivent, avec une rémunération sur objectifs de santé publique inscrite dans cette convention médicale.
J’ajoute que chaque année, au moment d’Octobre rose, le ministère des Affaires sociales et de la Santé et l’Institut national du cancer, en partenariat avec les organismes d’assurance maladie, lancent une campagne d’information qui rappelle les enjeux du dépistage et met à disposition des femmes l’ensemble des informations dont elles ont besoin. Cette année, deux spots radio seront diffusés sur les principales chaînes nationales et dans les DOM.
Les innovations thérapeutiques augmentent le taux de survie et de guérison des cancers du sein. A contrario ces avancées n’ont-elles pas banalisé cette maladie ?
Des progrès considérables ont été faits durant ces dernières années. Des innovations récentes ont transformé la prise en charge thérapeutique et notamment les traitements médicamenteux. La chirurgie est de moins en moins radicale. Tout cela apporte aux patientes une meilleure qualité de vie. Ces progrès se poursuivent aujourd’hui très concrètement avec de nouvelles modalités de prise en charge moins contraignantes pour les patientes (opération et radiothérapie sur une même journée, par exemple). Mais je le répète, le cancer du sein tue encore. Il se soigne de mieux en mieux, mais il est encore responsable chaque année de près de 12 000 décès. C’est une maladie qui se guérit d’autant mieux qu’elle est prise en charge tôt. La banalisation, je n’y crois pas : c’est d’autant moins vrai pour le cancer du sein qu’il touche à l’image du corps de la femme. C’est un cancer qui touche l’intimité des femmes, leur féminité et leur sexualité. Le sujet doit être abordé avec précaution et engagement, sans tabou.
Le troisième Plan Cancer est en préparation, quels sont pour vous les points majeurs sur lesquels il faut avancer (accès égal aux soins, accompagnement après la maladie…) ?
Le président de la République a annoncé le lancement d’un troisième Plan Cancer en décembre 2012. Depuis, nous sommes au travail. J’ai confié, avec Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, une mission d’évaluation du Plan Cancer 2009 – 2013 au professeur Jean-Paul Vernant. Son rapport vient de nous être remis. Il contient un ensemble de recommandations pour le futur Plan. Sur cette base, nous sommes engagés avec l’ensemble des acteurs du secteur dans l’élaboration de ce troisième Plan, selon les axes définis par le président de la République, qui en annoncera le contenu en février prochain.
Les points sur lesquels il faut avancer ont été inscrits dans la stratégie nationale de santé que j’ai lancée le 23 septembre. Je pense notamment à l’enjeu de réussir à agir tôt et fortement sur tout ce qui a une influence sur notre santé, mais aussi à la place du médecin traitant comme pivot de la politique de prévention. Il est aujourd’hui indispensable de refonder notre système de santé afin de préserver le plus haut niveau d’excellence de qualité comme de sécurité dans les soins, l’innovation et de réduire les inégalités d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Cela s’applique totalement à l’enjeu de santé publique que représente le cancer du sein en France.
Propos recueillis par Anne Pezet.