
La filière de santé Maladies rares neuromusculaires Filnemus livre une analyse approfondie des déterminants de l’errance diagnostique et des réponses à y apporter. Echange avec le Pr Shahram Attarian, coordinateur de Filnemus.
Parlez-nous de la filière Filnemus.
Le champ des maladies neuromusculaires rares – environ 400 maladies et 60 000 malades suivis – couvre les maladies musculaires, de la transmission neuromusculaire, du nerf périphérique, du neurone moteur et mitochondriales. Mise en place en 2014, la filière Filnemus comprend 68 centres labellisés qui assurent le diagnostic, le soin et, pour certains, l’enseignement et la recherche dans le domaine. La force de Filnemus réside notamment dans le maillage très homogène des centres de prise en charge, qui permet à n’importe quel patient français un accès à l’un de ces centres.
On sait qu’une mise sous traitement retardée est une perte de chance pour le patient. L’errance diagnostique est-elle importante dans les maladies neuromusculaires rares ?
Depuis 2020, nous assistons à une révolution dans la découverte de traitements innovants : repositionnement de thérapies classiques, nouvelles molécules créées par intelligence artificielle, médicaments qui agissent sur l’ARN, thérapies géniques, etc., et le diagnostic est essentiel pour que les patients puissent bénéficier de ces traitements. Le nombre et l’hétérogénéité des maladies neuromusculaires rares rendent le domaine d’expertise complexe, ce qui favorise l’errance. Un énorme travail d’analyse de 47 000 dossiers de patients au sein de la quasi-totalité des centres du réseau Filnemus a montré qu’un patient sur cinq était en errance diagnostique pendant huit à dix ans. C’est inacceptable, tant pour les patients que pour les médecins qui les soignent.
Comment expliquer cette errance et comment y remédier ?
Le parcours du patient en ville prend beaucoup de temps, car les médecins de première ligne ne sont pas formés sur les maladies neuromusculaires rares. Dans nos centres spécialisés, la durée de diagnostic est allongée du fait de la complexité et de la multiplicité des examens que le patient doit subir, des délais de rendez-vous et de la surcharge de travail des soignants. Pour autant, les progrès sont très rapides sur le front des moyens diagnostiques et des traitements. Il est impératif que notre écosystème soit capable d’y accéder, de les intégrer et de les adopter. Cela implique de disposer de personnel et de le former en conséquence. Le système français dans les maladies rares est pionnier dans le monde et doit le rester.
Propos recueillis par Sandrine Guinot
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Maladies Rares réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er mars 2025.