
Les nouveaux traitements de l’obésité doivent se concevoir dans le cadre d’une prise en charge personnalisée et coordonnée du patient, comme l’explique le Dr Emmanuelle Lecornet-Sokol, endocrinologue et nutritionniste.
L’obésité n’est pas reconnue comme une maladie chronique. En quoi cela complique-t-il le quotidien des patients suivis ?
Le fait que l’obésité ne soit pas reconnue par tous comme une maladie chronique pèse sur les représentations sociales qui lui sont liées. Pour l’opinion publique, mais également pour une partie des professionnels de santé, elle serait provoquée par une mauvaise alimentation et une activité physique insuffisante. Ces idées reçues exposent le patient à une culpabilité personnelle : ce serait leur faute s’ils sont en excès de poids. Or, les travaux les plus récents démontrent que les causes de l’obésité sont multifactorielles, et souvent cumulatives : prédispositions génétiques, pathologies associées, facteurs environnementaux, stress, exposition in utero, traumatismes psychologiques durant l’enfance ou l’adolescence, prise de médicaments… Les troubles du comportement alimentaire et/ou la sédentarité jouent certes un rôle, mais sont surtout les symptômes d’un mal plus profond. Admettre que l’obésité est bien une pathologie chronique aiderait à changer le regard de la société, mais également à mieux structurer le parcours de santé des personnes en situation d’obésité.
Comment s’organise aujourd’hui la prise en charge de ces patients ?
De réels progrès ont été obtenus ces dernières années, grâce à une structuration graduée de la prise en charge de ces patients. Cependant, il y a encore des efforts à faire pour mieux les accompagner. Les régimes conseillés en première intention pour les personnes en situation d’obésité sont inefficaces dans 90 % des cas. Dans le prolongement des recommandations de la Haute Autorité de santé, il est nécessaire d’améliorer la formation des médecins généralistes et des spécialistes, et les inciter à s’engager dans les bonnes pratiques. La prise en charge initiale s’appuie d’abord sur la pose d’un diagnostic à partir d’outils simples d’évaluation et d’un examen clinique, puis le phénotypage de l’obésité et enfin l’orientation du patient en fonction de la nature et de la sévérité de la pathologie. Au deuxième niveau, les spécialistes en endocrinologie/nutrition sont les experts formés pour les situations plus difficiles, chez les patients en échec ou encore avec des complications. Enfin, des centres spécialisés maillent aujourd’hui le territoire, destinés au soin des cas complexes, comme les patients en situation d’obésité très sévère associée à des pathologies graves. La chirurgie bariatrique peut être proposée par l’endocrinologue et le nutritionniste (prise en charge de 2e niveau) ou au sein d’un centre spécialisé en obésité (prise en charge de 3e niveau).
De nouveaux médicaments sont disponibles. En quoi apportent-ils de nouvelles solutions ?
Les premiers résultats en vie réelle confirment les espoirs portés par les études cliniques, avec des effets notables en termes de diminution du poids. Ces médicaments agissent en régulant l’appétit et doivent être accompagnés d’un travail de fond sur le plan hygiéno-diététique, mais également psychologique. Sortir de l’obésité, c’est un parcours long et complexe, dépendant de la capacité du patient à se projeter dans un nouveau quotidien de vie sur le long terme. Certains de ces médicaments sont d’autant plus prometteurs qu’ils peuvent également agir de façon positive sur les complications associées à l’obésité, comme le diabète, les complications cardio-vasculaires et rénales, le syndrome d’apnées du sommeil ou certaines formes d’insuffisance cardiaque. Des études sont en cours pour continuer de confirmer les autres bénéfices espérés. D’autres aspects à considérer sont également la gestion des effets secondaires, qui surviennent notamment lors de l’initiation de la prise de ces médicaments, et une meilleure compréhension des différents phénotypes de l’obésité.
Comment s’assurer d’un accès plus large et plus équitable pour les patients ?
C’est en effet l’un des enjeux de santé publique, alors que les médicaments récents ne sont pas encore remboursés. L’équité de prise en charge est également un enjeu au même titre que les délais d’accès pour de très nombreux patients aux consultations des spécialistes, endocrinologues, diabétologues, nutritionnistes, ainsi qu’à ceux des centres spécialisés en obésité.
Pierre Mongis
PP-LD-FR-2271 – Mars 2025. © Lilly France Tous droits de reproduction réservés.
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Obésité réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 5 mars 2025.