
Chez certaines femmes atteintes de cancer du sein, les tests génomiques sont très utiles car ils permettent de guider la décision thérapeutique. Utilisés depuis près de dix ans en France et ayant prouvé leur intérêt, ils ne sont toujours pas remboursés. Une situation difficile à comprendre pour les patientes et les oncologues. Éclairage de la Dre Magali Lacroix-Triki, Cheffe du service de Pathologie, centre Gustave-Roussy.
Quel est l’intérêt des signatures génomiques ?
Les signatures génomiques sont des outils essentiels dans l’évaluation du cancer du sein. Ces tests sont basés sur l’étude d’ARNm intra-tumoral et ils évaluent l’expression de gènes impliqués notamment dans la prolifération tumorale, reflétant ainsi le profil d’agressivité de la tumeur. Les résultats sont exprimés sous forme de scores génomiques qui indiquent un risque de récidive de développer des métastases à dix ans. Lorsque le score est bas, la chimiothérapie adjuvante ne présente pas d’intérêt ; en revanche, lorsqu’il est élevé, la chimiothérapie est nécessaire. En France, quatre tests sont disponibles : les signatures de première génération telles qu’Oncotype DX® (le plus répandu) et Mammaprint®, dont les analyses sont centralisées par le fabricant, et les signatures de deuxième génération comme Prosigna® et Endopredict®, développées plus tardivement, qui intègrent des facteurs cliniques supplémentaires (taille tumorale, statut ganglionnaire), dont les analyses sont décentralisées.
Dans quels cas, ces tests sont-ils utiles ?
Les tests génomiques ne concernent qu’une certaine catégorie de patientes atteintes d’un cancer du sein au stade précoce, qui exprime les récepteurs hormonaux (RH+) et qui ne présente pas de surexpression de la protéine HER2 (HER2 négatif). Ces cancers du sein RH+ et HER2 négatifs représentent la grande majorité des cancers du sein (de 70 à 80 % des cas). Ce groupe est lui-même hétérogène : il existe des tumeurs de petite taille, de bon pronostic, pour lesquelles, à l’évidence, il n’y a pas d’indication de chimiothérapie et, à l’autre extrême, il y a des tumeurs volumineuses, proliférantes, identifiées comme agressives et nécessitant d’emblée une chimiothérapie. Entre les deux, il existe une zone à risque intermédiaire qui nécessite d’avoir recours à un test génomique. Les signatures de première génération, qui ont été validées dans de grands essais cliniques prospectifs, ont un niveau de preuve très élevé, par exemple Oncotype DX® (il y a plus de vingt ans aux Etats-Unis). Ces larges essais cliniques ont été menés sur des milliers de patientes et ont montré que l’on pouvait envisager une désescalade de la chimiothérapie et ainsi éviter des effets secondaires. L’indication du test dépend des caractéristiques cliniques et pathologiques et se définit en réunion de concertation pluridisciplinaire.
Quelles sont les recommandations de la HAS ?
Chez les femmes ménopausées, la signature génomique est pertinente jusqu’à 70 ans pour des tumeurs sans envahissement ganglionnaire ou avec un envahissement jusqu’au niveau N1 (d’un à trois ganglions). Au-delà de 70 ans, elles sont exclues. Chez les femmes non ménopausées (ou de moins de 50 ans), l’indication est restreinte à des patientes sans envahissement ganglionnaire, selonles caractéristiques de tumeur définies lors des études menées avec Oncotype DX®, seule signature génomique recommandée dans ce cas.
Comment ces tests sont-ils accessibles ?
Aujourd’hui, les tests ne sont pas pris en charge par l’Assurance-Maladie. Ils peuvent être remboursés partiellement dans le cadre du Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Il s’agit d’une enveloppe globale fournie aux institutions qui inclut de nombreux autres tests innovants, et plus il y a de tests, moins il y a de financement… De plus, nous sommes inquiets, car un récent décret paru au Journal Officiel en mars 2024 indique qu’à partir de 2025 il y aura une décote pour les produits inscrits hors nomenclature. Nous sommes dans une situation très précaire, surtout pour les structures de petite taille, comme en témoigne la récente tribune d’experts publiée sur ce sujet dans Le Monde du 14 janvier 2025, alertant sur un besoin crucial de remboursement. A noter que pratiquement tous les pays européens remboursent les tests génomiques. L’impact médico-économique n’est plus à prouver : les études ont montré que jusqu’à 70 % des indications de chimiothérapies adjuvantes pouvaient être évitées. Il faut également prendre en compte le coût hospitalier et sociétal.
Christine Fallet
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé des femmes réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er février 2025.