Innover aussi dans les organisations – Etienne Caniard

L’écart n’a cessé de se creuser entre le progrès technologique, diagnostic ou thérapeutique et I’organisation de notre système de soins dont les grandes lignes demeurent figées depuis plusieurs décennies.

Avec une médecine libérale qui peine à se réformer, une transformation de l’exercice individuel en pratiques plus collectives beaucoup trop lente, un développement timide des coopérations professionnelles, l’hôpital qui demeure un filet de sécurité dans l’accès aux soins au détriment de ses autres missions, c’est le patient qui court le risque de ne pouvoir pleinement bénéficier du progrès médical.

La révolution numérique est l’occasion de combler ce retard si nous savons penser différemment l’organisation des soins, le rôle des acteurs, le contenu des métiers, la formation, pour réinventer proximité et écoute, pour retrouver l’humanité qui fait si souvent défaut aujourd’hui.

Lorsque nous développons des téléconsultations de dermatologie dans les Ehpad mutualistes pour mieux traiter des plaies chroniques nous ne faisons pas que répondre à l’insuffisance de spécialistes. Nous inventons une médecine plus humaine, qui évite de déplacer des personnes fragiles, qui permet d’associer le généraliste et les personnels soignants à la consultation, créant ainsi une relation nouvelle avec le spécialiste hospitalier et facilitant les transferts de connaissances. Les témoignages des professionnels de santé qui participent à ces expériences sont unanimes pour souligner l’amélioration de la prise en charge, le meilleur contact humain, le changement des relations entre eux.

Ouvrir ces téléconsultations à la population et aux généralistes proches des établissements ainsi équipés, c’est aussi inventer une autre organisation spatiale des soins, c’est sortir les Ehpad de leur isolement. Il faut ensuite inventer de nouveaux modes de rémunération, une autre articulation entre l’hôpital et la ville, de nouvelles coopérations professionnelles.

L’innovation organisationnelle, c’est ce que font aussi les mutuelles lorsqu’elles développent des plateformes de détection et de prévention des troubles sensoriels pour prévenir la dépendance en utilisant des outils et une organisation nouvelle distincte de la prise en charge de la pathologie elle-même. On le voit, le développement du numérique est l’occasion de se projeter dans l’avenir à condition qu’il ne soit pas utilisé comme un palliatif dans une architecture inchangée.

Etienne Caniard, président de la Mutualité Française.